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du miel et du sel
26 août 2011

La fourme de salers, de la vache jusqu'à la cave

 

Il n'y a pas deux fromages qui se ressemblent. Déjà le général De Gaulle se plaignait de ne pas pouvoir gouverner un pays qui comptait plus de 300 sortes de fromages. Et même une fourme de salers ne ressemblera pas à la suivante. Un troupeau d'une soixantaine de vaches en produit une ou deux par jour, pas plus.

Une fourme de salers pèse environ 45 kilos et il ne faut pas moins de 400 litres de lait pour la faire. C'est le lait d'un seul troupeau, d'une seule ferme. Pas de refroidissement, encore moins de thermisation, ou de pasteurisation, pas de mélange anonyme dans les cuves d'une laiterie.

Je vous l'ai déjà expliqué, le salers est uniquement un fromage fait à la ferme et  seulement entre le 15 avril et le 15 novembre. Le cantal, lui, est fabriqué toute l'année et peut être produit industriellement à base d'un mélange de laits de différentes exploitations, ce qui donne un goût plus uniforme, plus commun.

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Un producteur fait entre 300 et 500 fromages par an. Certains, comme Guy Chambon au buron de l'Algour, amoureux des vaches salers, font du salers tradition, qui est exclusivement fabriqué à partir de lait de vaches de la race salers. Cette vache produit moins de lait que les autres, mais il est de meilleure qualité, plus gras. Elle a l'instinct maternel très développé : on ne peut la traire que si elle a son veau à côté d'elle. On lui amène le veau qu'on appelle par son prénom. Dit comme cela, ça ne parait pas compliqué. Mais lorsqu'il y a 60 vaches, cela prend des heures (et dites vous qu'il faut retenir le nom des veaux, et ne pas se tromper de vache...). Salers ou salers tradition sont fabriqués de la même manière. La seule différence est la race des vaches, qui n'est pas précisée pour le salers tout court. Cela peut être des montbéliardes, des holstein, ou d'autres races.

A la fin de la traite, Monsieur Chambon a emprésuré le lait dans la gerle (clic), puis posé le couvercle. Une heure après, le lait a coagulé. En gestes lents et harmonieux de son outil, le frenial, le fromager va maintenant couper le caillé pour qu'il se fragmente en très fines particules.

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Le geste est pur et beau, le caillé ondule en formes géométriques, comme une sculpture mouvante, c'est magnifique.

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Après cinq minutes de danse de l'outil, le caillé est devenu très fin. Il faut le rassembler pour le séparer du petit lait.

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Partons chez Joël Mercier de la ferme Chez la Moulite à Trizac pour voir la suite. Lui fait du salers, pas du tradition, il a des vaches montbéliardes et quelques salers aussi. Il rassemble le caillé en un gros gâteau avec le pouset, une sorte de planche trouée. Monsieur Chambon a fait la même chose.

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Le petit-lait est ensuite soutiré. Guy Chambon le prélève lentement à la main avec un récipient muni d'une poignée en son centre, tandis que chez Joël Mercier, le petit lait est pompé de la gerle avec un tuyau, jusqu'à ce que le gâteau de caillé apparaisse dans le fond.

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On met alors le caillé dans la presse, qui s'appelle le catchaïre, et le pressage commence. Que ce soit chez Guy Chambon ou Joël Mercier, il faut au moins 10 pressages, avec 5 minutes de repos entre chaque. Si on veut aller trop vite, nous explique Guy Chambon, le petit lait reste emprisonné à l'intérieur du caillé, et alors la pâte sera moins homogène, le grain moins fin.

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Entre chaque pressage, la pâte est fractionnée et chaque portion retournée à la main. Le petit lait s'écoule très abondant, comme s'il sortait d'une éponge !

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Voilà ce qu'on obtient : c'est la tomme fraîche, celle avec laquelle on fait le célèbre aligot et la non moins célèbre truffade. Elle va maturer une douzaine d'heures. Les ferments vont agir, la pâte va s'acidifier, prendre des arômes.

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Après ce repos, la pâte est broyée finement puis longuement brassée avec le sel. On mélange la tomme de la traite du matin et celle du soir. Elle va encore reposer plusieurs heures, afin que le sel se mélange bien dans les grains en une secrète alchimie. C'est alors qu'a lieu le second pressage, qui est en même temps un moulage, le fromage va acquérir sa forme définitive, dans le pesadou. À la main, on remplit les moules tapissés d'une toile de lin.

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On place la plaque rouge, signe distinctif de l'AOP Salers et l'empreinte qui va signer le fromage. La pression va croissante pendant 48 heures, et durant ce temps la fourme est retournée plusieurs fois. Et c'est encore blanche, mais pleine de promesses qu'elle ira rejoindre ses compagnes dans la cave, où elle restera au minimum 3 mois, et jusqu'à 2 ans...

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Dans la cave de monsieur Baduel à Fontanges (dont je vous ai parlé ICI), les salers côtoient les cantal (sur la rangée du fond) et les saint nectaire (à droite). On distingue les cantal par leur forme de cylindre tout droit alors que les salers ont un liseré en haut et en bas. Les nouveaux nés ont encore leurs langes.

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Dans la cave voûtée du buron d'Algour, uniquement des salers tradition sont élevés avec amour par Guy Chambon.

Tous ces fromages sont des merveilles, je peux vous le dire. Ils ont les arômes du pays où ils sont nés. Les fleurs, l'herbe et les vastes espaces ventés. Et quand on les goûte directement au sortir de la cave, c'est quelque chose d'exceptionnel. Guy Chambon, Joël Mercier, comme Jean Paul Ausset (clic), ou Sebastien Baduel (reclic) vous raconteront tout comme ils me l'ont raconté.

Après cela, vous ne regarderez plus votre plateau de fromage de la même manière.

fab20Buron d'Algour du col de Néronne
Guy Chambon
Tel : 06 83 03 48 45

GAEC Chez la Moullite
Joël Mercier
Le Foirail
15400 Trizac
Tel : 04 71 78 61 75

Et aussi,  je vous le rappelle :

Buron du Col de Legal
Jean Paul Ausset
15140 Saint Projet de Salers
Tel : 06 73 62 76 25

Sebastien et Cathy Baduel
Clédart
15140 FONTANGES

Tel : 04.71.40.73.69

Tous font de la vente sur place, et vous feront déguster les fromages. Mais encore :

Si vous passez à Salers, allez voir l'incontournable endroit à visiter par les gourmands : la Cave de Salers.

Vous pourrez y déguster sur place les merveilles de 10 producteurs différents (dont les deux ci-dessus), visiter la cave d'affinage, et aussi acheter du fromage. Ils ont même une boutique en ligne ICI, où les prix défient toute concurrence.

 

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Commentaires
P
Avec mes encouragements au maintien du système traditionnel Salers.<br /> <br /> Pierre MANY. Enseignant Lycée Agricole de Rochefort-Montagne
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G
Bonsoir, ah le salers et les burons ..... Tout à bien changé, autrefois le salers<br /> <br /> était fabriqué dans les burons . Les vaches montaient à l'estive à partir du 1er mai<br /> <br /> et redescendaient fin septembre, donc le salers était fabriqué seulement pendant<br /> <br /> cette période soit 4 mois. Maintenant il est fabriqué toute l'année et avec le lait<br /> <br /> de n'importe quelle vache, alors qu'avant c'était exclusivement du lait de vache<br /> <br /> salers. Je peux vous dire que le fromage que je mangeais il y a presque 30 ans<br /> <br /> était d'une qualité gustative incomparable à celui que l'on trouve aujourd'hui.<br /> <br /> Le buron que j'avais visité se trouvait à Anglard et je peux vous assurer que le<br /> <br /> buronier travaillait dans des conditions très rudes (pas d'eau courante , pas<br /> <br /> de chauffage (pas d'électricité) et tout le travail était fait manuellement (traite et <br /> <br /> fabrication) . Le buron n'était pas accessible en voiture, il fallait marcher aux milieux<br /> <br /> des gentianes, mais quel paysage merveilleux , j'en garde un excellent souvenir.<br /> <br /> Je n'ai jamais plus retrouvé le goût de ce salers que j'avais dégusté sur place .<br /> <br /> Ceci dit, avec nostalgie, je salue tous ces éleveurs qui se battent au quotidien pour<br /> <br /> maintenir leur savoir faire .
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J
J'ai passé 3 jours à Trisac début juillet et j'ai visité la fromagerie GAEC .<br /> <br /> Joël Mercier nous a gentiment reçu et expliqué la fabrication de son excellent Salers. <br /> <br /> Quel plaisir d'écouter un professionnel passionné et de goûter sur place le fabuleux résultat de son travail. <br /> <br /> Heureusement que les cuves en inox aient été évincées. <br /> <br /> Nous sommes rentrés avec 2kg de Salers et une livre de beurre. <br /> <br /> Nous nous régalons depuis. <br /> <br /> Merci à tous ces artisans culinaires et à vous de nous les faire connaître.
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C
est il possible de faire un séjour parmi vous au buron d'agoult en pension pour profiter de votre savoir faire et de l'ambiance qu'il doit y régner
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M
Comme je l'ai dit dans un autre message, ma première semaine de vacances s'est déroulée dans un magnifique petit village en Lozère, lieu Le Bruel d'Esclanèdes, dans le vieux Le Bruel. Je vous dis pas.....les rues à pic et pour une 1 personne[Cheese]mais magnifique. Inoubliable région mais j'y retournerai.<br /> Dans les environs, j'ai eu l'occasion d'acheter des fromages et la personne à qui je m'adressais me faisait les louanges du cantal. Je lui ai demandé s'il n'avait pas de "salers" car nous sommes proche de l'auvergne, quand même, et il m'a raconté des histoires à dormir debout [mdr]etje suis bien incapable de te les raconter.<br /> Franche de mon savoir grâce à ta lecture, je me suis mise à lui faire l'article[mdr]; mon mari n'en revenait pas non plus![bon ok]et moi je me suis bien amusée aussi[Bravo]
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